Harald, Ragnar, le tourisme et le male gaze : conférences à Caen

Lors de notre séjour à Caen nous avons assisté à plusieurs conférences dont trois le vendredi matin à la bibliothèque Alexis de Tocqueville à Caen. Durant cette matinée trois intervenant.e.s ont parlé “Des personnages historiques aux figures mythifiées : interpréter l’histoire de la Scandinavie médiévale”. Ces conférences ont été organisées par Annelie Jarl Ireman et Simon Lebouteiller.

Retrouvez les autres compte-rendus de ce séjour scientifique à Caen sur ce carnet !

“Harald, Ragnar et les autres : des popularités contrastées”

La première intervenante se nommait Lucie Malbos, maîtresse de conférence à l’Université de Poitiers. Son travail portait sur la mise en lumière des personnages peu connus du Moyen Âge Scandinave. Elle s’est surtout concentrée sur le personnage d’Harald à la Dent Bleue, où de son nom en vieux norrois Haraldr Gormsson, roi du Danemark (962-985). Elle a montré la variété de ses représentations, en donnant plusieurs exemples d’œuvres où le nom d’Harald à la Dent Bleue apparaissait mais à chaque fois son personnage était soit méchant soit stéréotypé ou bien trop moderne. Elle a aussi expliqué que les représentations d’Harald étaient souvent péjoratives , que ce soit à cause de sa mort ridicule ou de sa description comme un roi faible qui se laisse manipuler par des jarl (équivaut aux ducs en France).

Lucie Malbos explique aussi que Harald était parfois évoqué dans certains écrits comme ceux d’Adam de Brême ou de Saxo Grammaticus mais que leurs perceptions d’Harald différent chez Adam de Brême, il est décrit selon le modèle du roi chrétien plutôt que selon le modèle des rois scandinaves et il est considéré comme un martyre, tandis que chez Saxo Grammaticus, il est décrit comme un roi tyrannique au pouvoir lors de la transition vers le christianisme.

L’intervenante finit par nous montrer trois tableaux sur lesquels le roi Harald est représenté, mais chaque représentation est beaucoup trop tardive par rapport à la scène montrée , ce qui rend ces sources difficilement exploitables par l’historiographie. La seule image véritablement connue de ce roi reste finalement celle que l’on utilise toujours avec le bluetooth [littéralement « dent bleue »] dont le symbole représente les runes “H” et “B” ensemble. 

“La Skjaldmær et la Valkyrja face au Male Gaze : étude de l’archétype féminin dans l’histoire médiévale scandinave et ses représentations”

Sarah Vincent, doctorante à l’Université de Caen Normandie et son travail portait sur les femmes guerrières et plus précisément les Valkyries et les Skjaldmö face au male gaze. “Le male gaze est un concept désignant les images imposées au public présentant une perspective masculine, dans le cadre de la culture visuelle dominante.”((site internet, BRUT, 14 février 2021, disponible via https://www.brut.media/fr/entertainment/c-est-quoi-le-male-gaze–beae7f9e-7c01-4c4c-8e21-6839e44565bb))

On suppose qu’à l’âge des Vikings, les femmes avaient des rôles assez importants mais ils n’étaient pas forcément mis en valeur. Elle a expliqué qu’il y avait quelques sources qui mentionnent les femmes guerrières comme la littérature avec les sagas islandaises mais comme celles-ci ont souvent été écrites plusieurs siècles après les actions qu’elles racontent, elles sont à considérer avec précaution . Les Valkyries étaient mentionnées dans les poèmes scaldiques, dans lesquels elles avaient pour rôle de choisir des guerriers morts pour les amener au Valhalla.

Une des sources mentionnée par Sarah Vincent était l’archéologie funéraire, grâce à laquelle on trouvait des artéfacts qui montraient que les femmes guerrières ont pu vraiment exister. Par exemple, la sculpture de Finglas qui montre que des femmes voyageaient surtout en Irlande. On trouvait aussi des traces via les inscriptions runiques qui mentionnent certaines femmes mais tout comme les écrits ce sont des sources questionnables.

Sarah Vincent a aussi mentionné le fait que durant le la période romantique il y avait une nouvelle vague d’intérêt pour ces femmes. L’intervenante a aussi expliqué que le monde était représenté par les hommes parce que leur point de vue était considéré comme neutre, ce qui a conduit à une omniprésence du regard masculin dans la représentation des femmes guerrières. On retrouve beaucoup de femmes dans les jeux vidéos, mais elles sont souvent hyper-sexualisées, représentées à moitié nues alors qu’elles combattent. La réalité historique est modifiée pour plaire au regard des hommes.

“Les sagas : un espace touristique ?”

Le troisième intervenant se nommait Torfi Tulinius, professeur à l’Université d’Islande, et son travail analysait les sagas et leur rôle dans le tourisme. Il s’est concentré sur l’expérience touristique en Islande. Il a tout d’abord expliqué qu’il y a aujourd’hui beaucoup de touristes en Islande et il nous a donné les raisons pour lesquelles ces touristes viennent en Islande. Pour à peu près 90% des personnes ce sont les paysages Islandais qui les font venir et pour les 10% restant ce sont des raisons culturelles. Parmi ces raisons culturelles, très peu concernent les sagas.

Torfi Tulinius voulait montrer que le tourisme islandais voulait ajouter une dimension de cette culture un peu plus tournée vers les sagas afin de les mettre en avant. Pour cela il y a des lieux comme le centre d’exposition sur l’époque viking, Njál’s Saga Centre, dans laquelle est exposée une tapisserie représentant la Saga de Njáll le Brûlé dans le même style que la célèbre tapisserie de Bayeux . Cependant, le nombre de touristes allant dans ces musées est moins élevé que celui des touristes allant en Islande pour profiter des espaces naturels.

Torfi Tulinius s’est alors demandé comment transformer une expérience littéraire en expérience touristique ? Il n’y a pas de réponse claire à cela, mais l’avantage du pays est d’avoir de beaux paysages, ses mers, ses îles, ses volcans etc, et toutes ces particularités font elles aussi partie intégrante des sagas. Il serait donc possible de lier ces paysages avec les sagas de l’époque, ce qui augmenterait l’attrait culturel du tourisme littéraire.

Ce voyage d’étude a été rendu possible par l’Institut Suédois et la Faculté des Langues de l’Université de Strasbourg

Autrices de cet article :

• DIART Anaële L2 LLCER Scandinave
• WIEBER Angélina L2 LLCER Scandinave

---

---